La révolte du E muet

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Une fantaisie pas si fantaisiste, quoique...

TRIBUNE LIBRE

Bonjour ! C'est moi, la cinquième lettre de l'alphabet, le E !, et sans fanfaronnade, la plus utilisée! Oui, enfin moi je suis juste le E muet mais je détiens fièrement le record des noms : caduc, instable, voire même, dans certains livres anciens, féminin, obscur ou sombre. À chacun sa préférence ! La mienne étant plutôt, instable. Moins coutumier certes, mais il m'enchante ! Hélas ! oui. Vous avez raison, depuis peu , je suis aussi l'infortuné souffre-douleur qui alimente tous ces fâcheux bruits de couloirs qui m'affectent grandement !

Mais finaud, j'ai trouvé l'astuce pour me glisser dans cette tribune libre afin de débrouiller cet embrouillamini ! Alors voilà, sachez-le, ma révolte n'est pas une légende colportée par un original avide d'un éventuel brouhaha médiatique, encore moins une bataille farfelue sans fondement, mais bel et bien un acte réfléchi de mon fait ! Une échauffourée un tantinet ubuesque pour certains, une coquetterie très personnelle pour les autres, mes consœurs muettes ou pas d'ailleurs, ayant clairement refusé d'adhérer à ma rébellion ! Un camouflet inattendu, incohérent et douloureux qui, il faut bien le dire, m'a quelque peu déstabilisé ! Et pour cause ! Il n'y a pas si longtemps nous avons toutes fait bloc, sans exception, pour en découdre avec l'anglicisme ! Qu'importe ! Convaincu du bien-fondé de ma requête, je me suis vite ragaillardi et faisant fi de cette déloyauté cuisante, j'ai décidé de continuer ma lutte que j'ai toujours jugée essentielle, et non démentielle, pour éviter de sombrer dans la mélancolie ! C'est mon combat et je le mène fougueusement pour contrecarrer une inexplicable défaillance grammaticale ! Oui, parce que voyez-vous, coincé entre mes cousins chapeautés d'un accent aigu, grave, circonflexe ou parfois même d'un tréma qui eux se prononcent, je me sens vraiment déprécié et superfétatoire ! Le coup de grâce étant bien sûr la trahison de mon jumeau, le E tête nue, qui lui, a toute la liberté d'émettre un son ! Sa fourberie s'est même faufilée dans l'une de mes appellations, muet ! Affligeant, non ? Oui, bien sûr, je vous entends, merci pour votre sollicitude, effectivement je ne suis pas totalement inutile, j'ai l'opportunité de désigner avec élégance le féminin ! Mais alors pourquoi m'infliger un effrayant macchabée ? Allez savoir ! Appréhendant une étymologie ténébreuse, braillard sans être irréfléchi, j'ai préféré l'ignorance et clore un joli camée, un prestigieux trophée, un musée captivant ou encore un... Et là, le choc ! Brutal ! L'inconcevable en direct ! Télescopage d'arguments ! Raisonnement disloqué ! Patatras ! Tout s'écroule ! Quel idiot je fais  ! Comment ai-je pu penser rien qu'une seconde que vous auriez la délicatesse de me prononcer : « dans ce musée captivant, mon joli camée est exposé juste à côté d'un prestigieux trophée », ridicule, non ? Aussi, avant d'être emporté dans le tourment de la bêtise, je m’éclipse furtivement, sans bruit...

En vous souhaitant le meilleur, excusez du dérangement !

Le E,

préférence !